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Monday, April 21, 2014

Gratuité du transport en commun : trois raisons qui en font une idée dont l’heure est venue

Gratuité du transport en commun : trois raisons qui en font une idée dont l’heure est venue

This translation is courtesy of Réseau pour un transport en commun gratuit - RTCGratuit a Qubec City Free Transit Group. The website can be found at: http://www.rtcgratuit.ca/

Par Michael Laxer
(Rabble.ca)

Le 1er Janvier 2013, Tallinn, la capitale de l'Estonie, est devenue la plus grande ville du monde à rendre le transport en commun gratuit.  Bien que les effets de cette mesure soient, bien sûr, spécifique au contexte local,  cela démontre qu'une grande ville peut le faire et que c’est très populaire (1) .  Ça a également attiré l'attention sur un mouvement international grandissant de groupes, de militant-e-s et de partis qui estiment que la gratuité du transport en commun dans les grandes zones urbaines est un objectif social et environnemental important sur lequel travailler à court terme.

Dans une culture comme la nôtre, où la voiture est étroitement liée aux notions d'identité personnelle et de liberté, et où la droite a convaincu les gens (à tort) que le gouvernement n’a pas les moyens de faire quoi que ce soit de significatif, la gratuité du transport en commun semble être à première vue, sans doute, une aberration utopique pour plusieurs.  Mais, étant donné les sommes énormes que le gouvernement investit pour subventionner les infrastructures et le pétrole dont ont besoin les voitures et, compte tenu des enjeux d'égalité sociale et environnementale en cause, ce n'est pas du tout le cas.

La gratuité du transport en commun est une idée dont l’heure est venue et il y a trois raisons vraiment importantes qui font qu’elle devrait être mise de l’avant comme objectif ultime de tout programme municipal de gauche au Canada.
 
1) L'environnement et la lutte contre la culture de l'automobile
Il est impossible de surestimer les effets dévastateurs que les voitures et les combustibles fossiles ont sur l'environnement.  Un rapport des Nations Unies(2), publié le 31 Mars 2014, a peint un tableau inquiétant de la situation dans laquelle nous nous sommes globalement mis et, sans action immédiate et drastique, ça ne va qu'empirer.

Même en mettant de côté les changements climatiques pour un moment, la pollution de l'air causée par les voitures tue déjà des gens en très grand nombre.  Une étude de l'Université de la Colombie-Britannique (3) publiée en octobre 2013 démontre que la pollution automobile provoque le décès prématuré de 21 000 Canadien-ne-s chaque année;  neuf fois plus que le nombre tué dans des accidents de voiture.

Dans une tribune(4) publiée dans The Guardian le 10 avril dernier, Desmond Tutu est allé jusqu'à appeler à un boycott des entreprises responsables des changements climatiques et de l'industrie des combustibles fossiles comme celui qu’il y avait eu contre l'apartheid.  Il a directement appelé à la fin des subventions gouvernementales massives aux combustibles fossiles qui se existent un peu partout.

Au Canada, ces subventions au pétrole et à la consommation d'énergie totalisent 26 milliards de dollars par année(5) , ce qui signifie que 4 pour cent de toutes les recettes du gouvernement y ont été consacrées.  C'est un fait stupéfiant.  Ça démontre aussi clairement que les prétentions à l’effet que le gouvernement n'a pas l'argent pour financer un transport en commun gratuit et de qualité dans les grands centres urbains ne sont tout simplement pas vraies.

Lorsque l'on tient compte d'éventuelles sources de revenus dédiées comme l’instauration de péages, de taxes sur l'essence, de taxes sur les véhicules de luxe ou la possibilité d'une augmentation de l'impôt des personnes dont le revenu dépasse un certain niveau, il n'y a absolument aucune raison pour que la gratuité du transport en commun ne soient pas un objectif rapidement atteignable.
Nos gouvernements et partis n'ont pas la volonté politique et ont privilégié la consommation d'énergie, y compris la consommation de combustibles fossiles, ainsi que la satisfaction des besoins présumés des électeurs automobilistes, plutôt que le transport en commun.

La culture de l’automobile(6) est, certes, profondément ancrée au Canada.  Il est également évident que des mesures doivent être prises dès maintenant pour changer cela. La gratuité du transport en commun pourrait jouer un rôle direct et évident pour sortir les gens de leur voiture et les amener dans le transport en commun et changer nos perceptions collectives de la façon de se rendre au travail, à l’école, à l'épicerie et à nos loisirs.
 
2) L'inclusion sociale

Depuis que Tallinn a commencé son expérience de gratuité du transport en commun, l'un des avantages les plus marqués de la première année a été une forte augmentation de l'achalandage dans un quartier périphérique pauvre à forte densité de population.

C’est logique. La gratuité du transport en commun est un moyen évident d'intégrer les quartiers avec des taux de pauvreté ou des densités de population élevés, qui sont détachés de la vie économique et culturelle globale de la ville, dans le tissu de la vie urbaine dans son ensemble.

Les musées, les galeries d'art, les événements culturels ou politiques, les parcs et les secteurs riverains et tant d'autres éléments essentiels de l'expérience urbaine deviennent accessible, à visiter sans billet d’autobus à payer.  Mine de rien, les tarifs font monter une facture.  Une famille de deux parents ayant trois enfants à Toronto, par exemple, qui veut aller à High Park un soir de semaine ou à la Art Gallery of Ontario (qui, contrairement au parc n'est pas gratuite) paierait 16,80 $ pour le voyage aller-retour en transport en commun.  C'est un ajout important au coût de toute sortie.

Pour les travailleurs et les travailleuses dont les revenus sont déjà étiré jusqu'au point de rupture par un salaire minimum sous le seuil de pauvreté, ce genre de tarif de transport en commun est directement et manifestement un facteur contribuant à l'exclusion sociale.

Outre l'ouverture à une pleine participation à la vie de la ville pour les quartiers exclus, l'inverse est également vrai.  La gratuité du transport en commun ouvrirait de nouvelles possibilités d'accueillir des manifestations culturelles ou artistiques à des quartiers que peu de gens visitent et qui pourraient ainsi devenir des destinations.  Cela a des avantages économiques potentiels profonds.

C‘est particulièrement vrai quand on fait de la gratuité du transport en commun un élément central de l’amélioration globale du transport, de sorte que non seulement l’absence de tarif, mais aussi les trajets sont là pour rendre la gratuité efficace et utile.
 
3) Inégalité de revenus et justice économique

La gratuité du transport en commun a un véritable rôle à jouer dans les enjeux de justice économique et d'inégalité de revenus.

Comme nous l'avons déjà vu, notre gouvernement dépense d'énormes sommes d'argent pour subventionner les combustibles fossiles et l'utilisation de la voiture.  Cela ne comprend même pas l'argent qui doit être dépensé par les municipalités et les gouvernements sur l'infrastructure qu’exige l’automobile.

Ces subventions sont accordées au détriment des personnes à faible revenu et des personnes vivant dans la pauvreté.  Directement.  Elles utilisent des fonds publics qui pourraient être utilisés pour le transport en commun et un certain nombre d'autres programmes pour financer et  faciliter un style de vie qui profite beaucoup plus à la classe moyenne et aux nantis.  En ce sens, elles représentent une redistribution des revenus gouvernementaux de bas en haut.

Même le Fonds monétaire international(7) a noté que «les subventions sont coûteuses pour les gouvernements, et que, au lieu d'aider les consommateurs, elles nuisent à l'augmentation des investissements dans les infrastructures, l'éducation et les soins de santé, ce qui aiderait les pauvres plus directement».

Une façon d’aider plus directement les personnes à faible revenu et vivant dans la pauvreté est la gratuité du transport en commun!

Comme un résident de Tallinn(8) l’a dit : «je vis avec un budget serré puisque je n'ai pas trop de travail en ce moment. J'ai besoin d'économiser de l'argent partout où je peux, donc je suis très heureux avec le système de transport en commun gratuit. C'est une bonne chose pour le commun des mortels».

Les tarifs de transport en commun viennent souvent réduire, par des déplacements quotidiens pour aller au travail, des salaires sous le seuil de la pauvreté.  La gratuité du transport en commun faciliterait la recherche de meilleurs emplois (ou la recherche d’emploi tout court) à l'extérieur de son quartier et permettrait à ceux et celles qui utilisent le transport en commun de conserver une plus grande part de leur revenu en choisissant le transport en commun gratuit au lieu de conduire ou d'avoir à payer des tarifs tous les jours ou une passe mensuelle.  Ce serait particulièrement bénéfique pour les personnes à revenus fixes ou en s'appuyant sur l'aide sociale.

Nous ne devrions pas sous-estimer l'impact que cela peut avoir sur la vie quotidienne de millions de personnes.

C'est aussi une question d'équité fondamentale.  Pendant plusieurs décennies, les citadin-e-s qui n'avaient pas les moyens ou qui choisissaient de ne pas se déplacer en voiture ont subventionné ceux et celles qui le faisaient.  On leur a fait payer des tarifs de plus en plus élevés pour, dans de nombreux cas, une infrastructure de transport inadéquate et surpeuplée alors que la voiture avait la priorité, en dépit des répercussions environnementales.  La plupart des gouvernements et des municipalités canadiennes ont hésité à utiliser le péages ou l'imposition de voies de covoiturage, ce qui facilite essentiellement l'acte singulièrement destructeur de conduire où l'on veut, quand on veut, seul.

Cela doit changer.

Il y a d'autres raisons qui rendent la gratuité du transport en commun logique.  Elle mettrait fin à la nécessité de contrôler les tarifs et aux affrontements quotidiens entre les travailleurs et les travailleurs des transports qui font leur travail et certains usagers qui ne veulent ou ne peuvent pas payer.  Elle serait le signe d'un changement dans les priorités de notre société.  Elle serait également, comme les soins de santé gratuits, une source d'inspiration et transformerait la vision de plusieurs du rôle du gouvernement et il serait très difficile pour les réactionnaires d’inverser totalement la tendance une fois la gratuité du transport en commun mise en place dans les grandes villes.

Très récemment, la Coalition of Progressive Electors à Vancouver, une des plus grandes formations politiques municipale du pays, a voté en congrès(9) de faire de la gratuité du transport en commun un des thèmes de leurs campagnes municipales à venir.  Ce faisant, ils ont sorti une idée importante de la marginalité pour la mettre dans le discours civique de la troisième plus grande ville du pays.
Espérons que cela indique un changement de mentalité qui se répandra à travers les partis progressistes ou de gauche et les candidats municipaux de Calgary à Toronto et de Montréal à Halifax.  Un changement qui permettra de commencer à faire de la gratuité du transport en commun la priorité qu’elle doit être pour nos mouvements.
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Michael Laxer vit à Toronto où il dirige une librairie avec sa partenaire Natalie.  Michael a un diplôme en histoire du Collège Glendon de l'Université York.  C’est un militant politique, il a été candidat à deux reprise et organisateur électoral pour le NPD, c’était un candidat socialiste aux élections municipales de Toronto en 2010 (il se présente de nouveau) et il est membre de l'exécutif du Parti socialiste nouvellement formé de l'Ontario.

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Publié à l’origine le 11 avril 2014 sur le portail d’information de gauche canadien rabble.ca. Traduction : Nicolas Phébus pour RTCGratuit.ca

Texte original : http://rabble.ca/blogs/bloggers/michael-laxer/2014/04/free-transit-three-reasons-it-idea-whose-time-has-come
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Notes :
(1) http://www.theatlanticcities.com/commute/2014/01/largest-free-transit-experiment-world/8231/
(2) http://www.theguardian.com/environment/2014/mar/31/climate-change-threat-food-security-humankind
(3) http://www.vancouversun.com/health/pollution+nine+times+deadlier+than+crashes+study+finds/9061897/story.html
(4) http://www.theguardian.com/commentisfree/2014/apr/10/divest-fossil-fuels-climate-change-keystone-xl
(5) http://www.desmog.ca/2013/05/10/just-how-much-exactly-are-you-paying-subsidize-fossil-fuels
(6) http://rabble.ca/blogs/bloggers/michael-laxer/2013/10/it-time-war-on-car
(7) http://www.nytimes.com/2013/03/28/business/imf-calls-for-curbing-fuel-subsidies.html?_r=1&
(8) http://www.huffingtonpost.com/2013/04/04/estonias-capital-introduces-free-public-transportation_n_3014589.html
(9) http://www.vancouversun.com/news/COPE+puts+free+transit+tenant+protection+platform/9679373/story.html

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